vendredi 5 décembre 2008

Maintenant

La question que je vous pose, Eléonore : Où je vais, tout de suite ? J'ai piqué du fric, j'ai piqué plein de fric en fait, et puis j'ai cassé la gueule de mon associé. J'ai fait tout ça pour partir à Bora-Bora et m'y faire sucer. Mais entre moi et Bora-Bora se dressent des putains d'emmerdements, voilà pourquoi je sonne et m'impose à vous, il me faut des chemins de traverse. Il me faut un ensemble d'idées et de propositions qui me feraient comme la patience du clébard face au loquet puis quelques étages. Il faut retarder mon idéal sous peine de connaître l'uniforme et la rigueur des mises en examen. Comment fuit-on ?
J'ai pensé à voyager léger, et dormir dans des terriers comme à passer les frontières à pied. J'ai pensé des coins improbables où personne n'imagine la vie, j'ai pensé Narbonne pour tout dire, Narbonne ou l'Estonie, qui viendrait me trouver là-bas ? Qui, pour une quelquonque raison, se dirigerait vers Narbonne avec des idées, je veux dire dans une cohérence de pensée ? Eléonore, c'est bien l'Estonie pour s'y planquer ? Il y a des avions pour les îles en Estonie ? Dites-moi, si je trace de Narbonne en Estonie puis direction Bora-Bora, n'aurais-je pas déjà payé une dette certaine à la société ?

Vous avez aussi cassé la gueule de mon patient, remarque Eléonore. Vous êtes pressé, mais je ne comprends pas pourquoi. J'ai de la difficulté à vous imaginer improvisant quoi que ce soit.

C'est vrai, soupire Eric. Tout était si bien. Bora-Bora, la pipe, le fric pour s'y rendre et la justice qui cavale, c'était vraiment apaisant. Et puis en sortant, je me suis dit, mais vous savez comment c'est, on veut toujours en faire plus, bref, je me suis dit, mieux que me faire sucer à Bora-Bora, je pourrais me faire sucer par Sophie à Bora-Bora. Je suis là pour ça. Sophie. Je l'emmène.

Mais non, Eric. Sophie est fiancée. Avec un type un peu à la ramasse. Mais fiancée. Eric. Vous allez casser la gueule au monde entier ?

C'est tout le problème. Eléonore, c'est tout le problème.

vendredi 7 novembre 2008

Où l'auteur s'emmerde très fort en rentrant du Memphis

Il est évidemment hors de question de se mêler à la joie. D'abord parce qu'on ne se mêle à rien, ensuite parce que la joie est chiante lorsque partagée. Tu le sais, rien ne vaut le ricanement amer. Néanmoins, il est difficile de se trouver une contenance. Critiquer ? Mais il n'y a rien à critiquer, la non-raison de se réjouir étant justement cette absence essentielle : il n'y a rien à dire. Va, vis et hurle en prophète : End ne pense rien d'Obama.
Bien. Développons pour une fois. Je veux dire, je serais vachement déçu si tu pensais que je suis le genre de type pas mal superficiel. Alors j'explique (en trois temps, parce que je fus scolarisé).

1) Pourquoi ne pas se réjouir ?
Parce que les autres le font. Parce qu'un noir ou un blanc, ce n'est rien. Ça ne signifie rien. Parce que ça fournit de la matière à des quintaux de bruit inutile (tu imagines, sérieusement, pour combien de temps on va en bouffer des analyses, des coulisses, des rétrospectives, des histoires secrètes de ?) Parce qu'il n'y a rien de nouveau, à part ce qui justement, n'est rien ? (t'as vu comment je recoupe mes analyses ?)

2) Pourquoi tout est tellement chiant ?
Parce que tout est écrit. Tu ne te réjouis pas ? Tu fais partie des râleurs. Tu te réjouis ? Tu fais partie des naïfs. Obama va décevoir ? On s'ennuie déjà à parcourir ces longs éditos qui démontreront que puisqu'il déçoit, c'est qu'il est justement à l'égal des autres, ce qui sera - forcément - sa plus grande victoire. Et s'il est assassiné ? On en prend pour trente ans. Trente ans de commémorations et de figures imposées, trente ans d'anniversaires. A expliquer à ses enfants qui il était. Des noms de rue et d'écoles. Des films. Des théories. Sérieusement, tu connais plus chiant que le mythe Kennedy ? Alors.

3) Mais que faire, bordel ?
Ne rien penser.

Je serais néanmoins chagriné que tu t'imagines que je m'inscris dans une sorte de posture désinvolte au long cours, afin, je ne sais pas, de paraître vaguement intrigant auprès des filles aux seins opulents sous leur pull en laine et d'ainsi pouvoir baiser en rentrant du Memphis.

Chagriné je serais.
Tiens, pas plus tard qu'il y a deux semaines, je me suis longuement enthousiasmé pour la victoire du PSG au Vélodrome. Le Guen qui joue offensif, c'est autre chose qu'un président noir. Le 4-3-3 peut avoir du panache.

dimanche 2 novembre 2008

Où l'auteur, à bout de force, admet enfin qu'il a une petite bite

J'aurai manqué de passion, de celles qui j'imagine, font voyager. Mais je n'ai jamais repris la main sur ce que je me représentais comme du caractère, ce mélange d'intolérance aux autres et de nonchalance appliquée à soi, et je n'aurai ri qu'à mes propres blagues, car, c'est bien le drame, tout construit de la nécessité de ne pas s'aimer, je me serai approuvé, célébré en toutes choses. Ce n'est pas facile d'aller à l'encontre de tout. Ne pas s'aimer, quand déjà l'autre vous porte une affection toute relative, vous laisse dans des eaux salement goëmonées, et pour tout dire infiniment froides. C'est qu'il faut bien ranger l'identité quelque part, la confier à des mains aimantes ou l'enfouir dans les replis de sa graisse. L'autre donc, appuie toujours un peu trop ses coups, sourd es-tu à la dignité, à l'empathie en attente, à l'attention qu'on attend au-delà des matchs à domiciles. L'identité sait doser ses coups, elle observe la chancelance et attend que s'équilibrent les forces. La pulsion de destruction n'existe pas tant en ennemi qu'en justicière proclamée, souvent trop maniérée et contemplatrice, mais finalement loyale - et patiente. Tout le reste s'organise autour des manques à combler, et pour d'autres en subsistance. Je m'en tire étonnament bien, j'insiste, à ma très grande surprise. I mean, j'ai du fric homey, de la grosse thune et de la pétasse en salles. C'est ce qu'on appelle la civilisation. Ce qui fait que les cages s'aggrandissent et recouvrent les champs déserts de la félicité. Si bien que les chemins de l'extérieur se rétrécissent. Si bien que la passion se retranche sous la boue. Si bien que les voyages semblent vains. Et la civilisation sauve les gens. Pas tous, mais j'imagine qu'il faut choisir son camp, Kamarad.

vendredi 10 octobre 2008

Et tu ne peux plier

J'ai une profonde affection pour moi-même, oui. Ainsi, lisant l'ami Nikita, je me souvenais de ces quelques mois où je te coursais le train. Je m'arrangeais pour te devancer de quelques mètres à la sortie, espérant si laborieusement que tu me voies et que tu m'appelles. C'était une façon de te laisser le choix. Te laisser le choix, toujours, lorsque j'imitais Pinochet au téléphone, pour que tu puisses croire, du moins faire semblant de croire, que tout resterait infiniment léger, que tes errances feraient le quotidien morose de mes quoi ? Allez tous ensemble : mes espoirs. Mais je n'ai jamais eu cette force de caractère, et j'attendais, des lettres, des visites, des mails, des appels. J'attendais en te souhaitant tout le malheur du monde, puisque nous avons tous aimé les filles perdues. Et il est vrai que ce n'était pas de l'amour, car on ne souhaite pas le malheur aux filles malheureuses qu'on prétend aimer. C'est, entre autre, ce qui fait de moi un individu de la masse, qui ne vaut pas le coup plus qu'un autre. C'est pourquoi j'ai une profonde affection pour moi-même. Parce qu'il ne fallait pas t'attendre, et que je l'ai fait.

lundi 6 octobre 2008

Elude des templiers

D'accord, parlons du frère d'Arwen. Le frère d'une héroïne. Qui cristallise les densités. Qui transporte le monde à sa suite. Qui vécut mille vies d'héroïnes. Qui fut suffisante à définir ce que pouvait être la vie, j'entends par là : parsemée et jonchée.
Son frère grandit à Rennes, entre la Leffe et les AG. Parfois il hausse un sourcil et te considère avec la compassion de l'oreille au moustique vrombissant. Il rejoint le FN en 1996. C'était quelque chose. Nous étions étudiants. Je veux dire que nos discussions, aussi enflammées que nous aimions le croire, n'étaient que des spirales décroissantes. Aussi éloignés que nous pensions l'être, nous finissions par nous entendre sur, plus que l'essentiel, l'ensemble. Nos désaccords étaient de simples nuances, de la sémantique appliquée aux descentes de houblon. Nous étions étudiants, et c'était assez pour mourir ensemble. D'accord sur, finalement, tout. Alors il s'engage au FN. Et c'est vraiment quelque chose. Car l'homme qui nous fait face n'est plus des nôtres. N'est plus étudiant. Est le mal.
Que pense-t-il des races ? pardon, des ethnies ? Rien. Il nous observe, l'oreille, le moustique. Peine de mort, chambres à gaz ? Son regard coule le long de ses doigts. Se détache de nous, d'Arwen. Pépito meurt, il part en ratonnades. Des nuits de violence maussade, à tabasser ce qui traîne. Prend du galon.
N'existe plus. Disparu de l'entre-nous. Parti là d'où ne reviennent plus que des épaves d'hommes, bouffis des réponses faciles qu'offre la haine de toute chose.

Arwen considère le rien qui fait sa vie depuis la mort de Pépito. Ce n'est pas tant un homme qui les aime qu'attendent les femmes. C'est l'homme qui ajuste son orbite à leur gravité, la morsure à leur plan d'existence, la crispation de leur mâchoire à ce qui fait d'elle l'indivisible nécessité. Ce n'est que la passion, mais c'est ce pour quoi nous souffrons et espérons avoir vécu. Pépito est mort en passion. En cette période qui ne tolère rien sauf l'autre et qui fait de nous des animaux nuisibles. De fait, Arwen ressent de l'amour vide. Des artères violacées et des coroles pantelantes. Voilà le suicide permanent que s'imagine vivre Arwen, dans sa tragédie d'héroïne déclassée, dans son ratage d'espérance. Dans ce rien qui fait le tout des connes. Et qui s'étend, fume des Bensons sur les escaliers trempés, patientant l'impossible.
Alors Arwen, lassée de vivre comme une absence, car l'absence ne souffre pas le rapport constant aux autres, les relevés de compteurs d'eau ni les régimes d'été, Arwen se dit qu'il est bien temps de revivre et d'aller au monde comme on va en course. Arwen se décide à revivre les temps héroïques d'elle-même.

Le regard de son frère continue de couler le long de ses doigts.
Le frère d'Arwen contemple ce qu'elle-même attribue au néant.
Ce rien d'existence, qui fait sa fierté imbécile de veuve stellaire. A la peine minérale. Si vite abreuvée.

mercredi 30 juillet 2008

Etude des peupliers

La clim' a sauté, autant dire que la nuit va être longue. Je voudrais qu'il gèle puisqu'on peut y remédier, contraindre l'épiderme et réfuter les atomes, mais que fait-on contre la moiteur ? Que dalle.
On m'apprend pas mal de trucs dans la famille, je me sens très proche du déversoir et d'en adopter la résignation concave, mais enfin, ce n'est pas comme si tout était tellement surprenant. Oui. De façon très malheureuse, je ne consens pas à m'y intéresser, lorsqu'ils me lâchent quelque énormité en désinvolture, et attendent une réaction, une surprise et de l'indignation. Je n'ai pas une vie si pleine, qu'elle ne puisse se résumer en quelques lignes, et parfois je la rejoue en murmurant ce qui a foiré et je distingue vaguement ce qu'il y a de génétique et ce qu'il y a de mes manquements singuliers à l'empathie et je me dis toi tu as bien fait de m'oublier et toi tu as bien choisi de m'enterrer, figures heureuses que vous autres qui me permettez par les soirs de chaleur de m'apitoyer un peu. Il suffit maintenant de quelques minutes pour rejouer les moments-clés de mon passage, d'en évaluer les variations et d'en mesurer l'insignifiance. Car plus que l'ombre dans la tienne, j'ai cherché à me passer de toi. Car plus que tes volutes, tes secrets, ton silence, ton absence massacrante, j'ai cherché ta bêtise et tes postures, et l'infini écoeurement qui gravite en ton odeur, en tes mots qui ne sont rien qu'une petite recherche de soi, et j'en suis compassé, et j'en ricane bêtement de ce que tu n'es plus grand chose.

samedi 26 juillet 2008

Avant

Je vous explique ce que je fais : s'il suffisait de cliquer sur un bouton pour nourrir un animal abandonné pendant un an, vous le feriez ? Simplement cliquer. Pas de carte bleue. Pas d'e-mail à fournir. Vous cliquez, et je m'engage à nourrir la petite bête larmoyante. Alors ?
Vous êtes 2,3% (moyenne annuelle) à le faire. Mon entreprise aurait été rentable à 1,7%.
Mais s'il suffisait de cliquer sur un bouton pour que je me fasse sucer 8 mois par an à Bora-Bora, vous le feriez ? C'est tout le problème.

Je m'appelle Eric. J'ai laissé crever des petites bêtes larmoyantes pour me faire sucer à Bora-Bora. C'était le projet. 870 000 euros bloqués sur des comptes un peu trop visibles. C'est comme ça, je ne me suis pas vraiment caché. Je me suis acharné pendant des mois à trouver un business-model cohérent, j'ai louvoyé entre les banques et les aides publiques, j'ai rassuré les investisseurs à coup de viennoiseries et de powerpoints destructurés, mais au moment de couillonner tout le monde, j'ai simplement pris l'argent. Mon associé s'appelle Alex, il ne comprend pas. Il ne comprend pas le mal ni la désinvolture. Je lui ai dit : je m'ennuie Alex, je veux filer à Bora-Bora. Alex dit : je comprends pas. Il m'observe. Alex m'observe pendant plus de deux minutes. Il cherche une solution, deux minutes pour une éternité de reflexion, avant de lâcher : tu as juste été négligent, l'argent est toujours là. Tu as été négligent, Eric.
Je m'ennuie Alex, je m'en vais. Je pars avec l'argent.
Tu peux pas. Il dit tu peux pas, avec le certitude de contenir la réalité en trois mots.
Au moment où je passe près de lui, Alex m'agrippe le bras. C'est tout le problème.

samedi 12 juillet 2008

1964

Bon, je croyais que c’était moi qui vous intéressais. Que vous faisiez des manières, planifiant de savantes approches et tout le bazar ; alors j’ai pas trop réfléchi. A votre histoire.

La fille renifle, avec un air pas mal agacé.

Non, c’est sur votre père.

Oui. Ça vous intéresse vraiment ?

C’est mon travail quoi.

Bon, il est né vers 1964.

Reniflement.

Non mais je sais.

Vous savez quoi au juste ?

Regard compassé.

L’essentiel quoi. Naissance, dates marquantes, tout ça.

Et vous voulez… ?

Votre regard sur lui.

C’est bien moi qui vous intéresse.

Vous pouvez juste me parler de lui ?

Je peux. C’est un esprit supérieur qui se considère comme un esprit supérieur. Très chiant. Le genre de type qui passe sa vie à faire des blagues sur les juifs pour choquer les esprits chagrins.

Il n’est pas antisémite ?

Non. Vous pensiez ?

Non. Mais ça confirme, c’est bien.

Ce n’est pas forcément bien. Les pères antisémites sont généralement de bons pères, un peu stricts, mais soucieux de passer le flambeau. Ça crée des liens, par nécessité.

Ce n’était pas un bon père ?

Non, mais il vous faudrait une approche un peu moins cliché.

Je déciderai de l’approche.

Bien sûr, vous observerez les faits en toute impartialité et le chemin de la vérité s’illuminera pour vos lecteurs.

Vous ne me faites pas confiance ?

Vous avez décidé de le réhabiliter.

Si c’est nécessaire, oui.

Non, particulièrement si ce n’est pas nécessaire. Je pourrais vous le décrire comme la plus grosse chiure jamais engendrée, ça ne ferait que vous conforter.

Me conforter ?

Vous allez en faire un homme extraordinaire. Extra. Ordinaire. En dehors de. Nos misérables quotidiens.

C’est votre avis. En quoi ce n’était pas un bon père ?

Je n’ai pas dit qu’il vous fascinait. Je n’ai pas sous-entendu que vous étiez idiote. Mais on ne vend pas la vie d’un homme pareil aux autres. Il vous faudra de la matière.

Mauvais père, donc ?

Mauvais père, absolument. Détestable.

En quoi ?

En son amour immodéré pour My funny Valentine, d’abord. Imposer ces longues minutes d’ennui à ses gosses, c’est déjà lamentable. Ma sœur avait laissé la chanson tourner en boucle quand elle s’est ouvert les veines. Ah tiens, de la matière.

Je sais, pour votre sœur.

Mais vous ne saviez pas pour Valentine. Moi non plus. Je l’ai appris récemment. Vous feriez mieux de ne pas le mentionner, en fait. L’esprit supérieur pourrait culpabiliser.

Ce n’est pas mon problème.

Si, ça l’est. Culpabiliser, ça ne dure qu’un temps. Ensuite, il passera à l’offensive, contre vous. Intimidation, menaces, procès. Je sais bien que vous n’êtes pas réfractaire au scandale, du moins que d’autres vous encourageront dans cette voie. Mais il vous réduira en cendres. Ma sœur viendra sur les plateaux, et vous jurera dans les yeux que cette histoire est fausse. Succès garanti, mais crédibilité entamée. Vous finirez à pavoiser sur les hypothétiques cancers de vieilles gloires médiatiques, et vous détesterez votre vie.

Il a tant d’influence sur votre sœur ?

Non, mais comme toutes les petites filles qui ratent leur suicide, elle s’imagine que c’est un instant qui n’appartient qu’à elle. Vous avez déjà essayé de reprendre un os à un chien ?

Et sur vous ?

Karl soupire.

Enormément. Il adore les voyages, il aime traverser les étendues africaines et les bocages indonésiens, se pâmer en florentin et moquer les juifs en Espagne. Il s’imagine le soufre ardent de sa présence à travers le monde. Il s’imagine la découverte et les horizons, les déjeuners galactiques où il souffle aux dieux « mi casa es tu casa ». Et moi j’angoisse pour descendre bouffer au chinois. Vous pourrez en faire quelque chose.

dimanche 6 juillet 2008

Ground Control

Depuis deux ans, Quinze dépose le même commentaire sous chaque post d'Akhilene23, une fille d'une curiosité toute relative qui ne s'est jamais étonnée de cette constance. Pas moins de 165 articles, ponctués du "Ah bon" de Quinze. 165 Ah bon. Et aucune réaction. Est-ce qu'elle réagirait si je l'avais traitée 165 fois de pute ? 165 fois menacée de mort ? Akhilene23 est une collègue de Quinze, une petite main de la direction marketing qui ne pense pas toujours à verrouiller son PC. Anne Versoony, un goût pour la j-pop et les videos de chatons, une existence tranquille, parents divorcés et fiançailles en vue, apparentée Modem (traditionnellement de droite). Quinze pourrait lui dire "c'est moi qui commente, à chaque fois" ou prononcer Ah bon, sur un ton qui ne laisserait aucun doute. Elle ne marquerait probablement pas de surprise, préférant ignorer ce qui pourrait bien être un - quoi, au fait - un con ? Un amoureux excessivement réservé ? Quinze serait de toute façon incapable d'expliquer. Pas que sa démarche lui paraisse tellement cohérente qu'elle se passerait aussi bien de cause et d'effet, mais Quinze porte en lui la gratuité des actes, qui lui paraît la seule raison valable d'exister. Il est probable qu'elle interprète ça comme un signal, une balise manifestant sa présence ; elle en conclurait qu'il se sent seul. Qu'il trouve dans ces pages banales un élément de confort, de sérénité. L'imaginant comme un gamin apeuré, elle n'aurait effectivement aucune raison de s'agacer ni de s'émouvoir de sa litanie pesante. Et l'émergence du commentateur dans sa réalité ne pourrait mener qu'à de l'indifférence, ou un vague sentiment de malaise. Anne Versoony ne réagit pas à l'intérêt marqué pour elle. Se sent-elle à ce point comblée par l'extérieur ? A ce point comblée que rien ne devrait perturber son chemin. 165 commentaires, toujours le même. Les autres commentateurs s'agacent ou s'amusent de cet entêtement dans le dubitatif. Et Anne Versoony (belge ?) est à ce point tranquille, qu'elle ne s'émeut en rien de cet acharnement. C'est profondément anormal. As-tu visité Bagdad sous les bombes, Anne ? Tes parents te frappaient-ils à tour de rôle, engoncés dans leur couple bancal ? As-tu tant vécu qu'un pervers en puissance, un type qui a fait de toi une cible manifeste ne t'évoque rien ? Et si j'apparais devant toi, dans un espace qui n'existera que par la reconnaissance mutuelle, verras-tu le danger potentiel ou t'en tiendras-tu à ce mutisme étriqué ? Il est temps de mettre un peu d'ordre, souffle Quinze. Un peu d'ordre dans sa vie.

jeudi 12 juin 2008

Plaçons des mots-clés judicieux et susceptibles d'attirer à moi le grand public d'internet : table basse, Danemark, aluminium

Hey !
Mon incompétence dont je te rebats les couilles depuis quelques lustres ne m'aura pas sauvé de tout; ainsi, constatant ma sinueuse vacuité (en cela qu'elle s'infiltre au coeur d'une terre métonymique pour en avorter toute mosaïque globale, non je déconne, I mean, en cela que je suis farouchement déterminé à passer mes 35h aux chiottes), mes patrons, dans un élan qu'on peut qualifier sans peine de désespéré, m'ont confié des RESPONSABILITéS (je vais pas m'emmerder avec de l'ascii). La pensée, car derrière tout acte patronal se cache une petite pensée chiennasse, la pensée donc, pouvant être résumée ainsi : confions lui un vrai boulot chiant, et pis s'il foire on peut le virer tranquille, p'têt même qu'il va démissionner sous le poids infamant de l'échec, hmm ? Si tu veux m'en croire, les patrons sont de grands enfants.
J'ai échoué, hein. Mais pas tant que ça. Du coup, je suis considéré "en progrès". hihi. je me permets de rire sottement, parce que : "en progrès". hihihi.
Nonobstant, on s'en branle. J'ai voulu pondre, y'a peu, tout un méta merdier sur la nécessité de raconter sa vie par le travail. D'en parler. Comment un type résolument inerte comme moi peut éprouver ce besoin de parler de l'inintérêt (le travail) au coeur de l'ennui (my so-called life, homey). L'ennui a un intérêt, tu vois ? Et moi de partir sur un discours là dessus, de chapeauter mes tirades, de m'astiquer la syntaxe. Je te le dis : on est passé tout près du nihilisme.
C'est l'été quoi. On s'en branle des nécessités du discours. C'est l'été et j'aime toutes les saisons. Je me suis remis à déblatérer du récit à 2 balles, t'as vu. C'est maladroit, et je manque de temps pour soigner tout ça. Mais je le fais pour une raison heureuse : ça me plaît, ces fragments. Pas de description, tout à minima. Karl, Mina, Quinze, des trucs pas aboutis qui végètent en clairefontaine ou en word depuis des chiées. Je mets en place, mais il n'y aura pas de finalité, ni de cohérence (note que je cherche pas non plus l'abstrait, je laisse juste en bordel, comme mes calbuts dans l'entrée; c'est la place de l'écrit). Ah je me sentirais tiers-mondiste pour un peu. Mais je manque de coeur, ami.
L'été quoi. les vodka-menthes à ressasser d'innombrables naufrages oculaires en démontant le cul des possibles. c'est dire comme je suis en progrès. hihi. Pardon.

mercredi 28 mai 2008

Les six compagnons contre Al-Qaïda

Je suis la tante Jany, anglaise quoi. Bon, vous m’avez oublié mais j’étais là pour les faire-parts et les photos de vos premières gamelles en tricycles. Vous êtes grands. Vous êtes grands, touchons au but : je suis probablement votre mère. Ou alors ça s’est joué à peu de choses. Heureux ? Vous avez peu connu votre mère légitime, je crois. Peu importe.

Je suis revenue pour votre père, pour lui rendre l’enfer. Ma vie fut une merde sans nom, et j’ai décidé de le soumettre, en substance, à l’amertume. C’est considérable, comme les gens s’imaginent qu’on n'a qu’une vie et qu’il ne faut surtout rien regretter. Moi je regrette tout, et je maintiens que la vengeance me tient lieu d’étendard. Je vous préviens parce que vous êtes peut-être une subsistance de moi : je suis portée par la haine. Ce serait un peu long de vous expliquer, mais voilà : je tiens à ravager sa vie, d’en faire une braise moribonde, cimenter au néant chacun de ses pas. De fait, j’aimerais que le monde s’embrase à ma mort, et le monde ce n’est que lui.

La paille de Karl projette de courtes vagues d’oxygène dans l’azote diluée de son verre, tandis que Mina observe le clébard du patron qui s’échine à mordiller sa propre queue.

N’attendez rien, Jany, tante Jany, bien que vous imaginez justement ne rien attendre, je sais d’expérience que chaque mètre qui vous a rapproché de cette brasserie et de nous portaient en eux une attente, aussi inconsciente soit-elle, car personne ne se déplace pour rien, sauf Karl peut-être qui souffle dans sa grenadine comme les gosses mal élevés, Karl, fais un effort pour tante Jany qui a fait plusieurs kilomètres pour nous livrer son effroyable vérité de femme bafouée, Karl, c’est probablement notre mère, fais honneur à la haine qu’elle déverse en un monologue répété de longs mois et même, dites-moi si je me trompe tante Jany, de longues années, car c’est bien l’aboutissement d’une vie que cette litanie en souffrance, il vous manquait des spectateurs à votre fin, c’est un peu dur de finir seule et misérable sur scène, ça je peux le comprendre, mais n’attendez rien de Karl qui s’est déjà hissé contre tout, contre lui-même et contre les chiens, contre les plantes et contre son père, contre nous et tout ce qui n’aurait pour projet que d’exister, n’attendez rien de lui ni de moi qui vous pardonne car je m’en fous, j’ai des enfants et un mari qui m’attendent, des tonnes de linge et de bouffe qu’aucune mère aussi inattendue et soudaine soit-elle ne prendra à sa charge. Je vous pardonne pour le mal que vous croyez faire, tante Jany, je vous pardonne comme Karl vous condamne car il a déjà tout condamné.

Te voilà condamnée et pardonnée dans l’instant, maman Jany, souffle Karl dans son apnée magenta, vois comme le monde est désespérant de charité.

samedi 26 avril 2008

Je couche avec des filles, enfin une par une

Alors oui j'ai repris cette primesautière habitude de ne rien branler ici, et je ne m'en justifie évidemment pas mais quoi de mieux qu'imposer d'entrée ce faux rapport de complicité établi entre toi et ci-devant moi ? Rien.
Nonobstant la vigueur chimio-like qui me tient lieu de comportement, j'ai eu des problèmes. Enfin pas moi, évidemment, car tu connais de loin en loin ce que sont mes problèmes (la vaisselle et le dégraissage de la cuvette des chiottes), mais de réelles turpitudes qui font comme de petits tsunamis sur les plages de mes proches et viennent jusqu'à éclabousser mes facétieux edens intimes de cadavres indonésiens, ces enculés (les tsunamis hein). J'en ai perdu le goût de la clope au réveil, c'est dire comme j'en fus dévasté, c'est dire comme toute merveille auréale (j'ai cherché l'adjectif d'aurore, puis ça m'a cassé les couilles, pour finir je me suis dit que tu ne manquerais pas de t'esbaudir devant ce néologisme certes un peu freestyle mais délicieusement ghetto) se refuse peu à peu à moi. Le pire dans cette navrante péripétie fut l'insidieuse nécessité qu'on me signifia, d'effectuer un choix. Celui d'agir ou de ne pas agir. Je ne suis heureusement pas un mitterrandolâtre pour rien, aussi sus-je tirer partie de mon infinie confiance en la bêtise de l'autre pour décider céans de ne strictement rien foutre. Je suis retors hein putain. JE SUIS SACRÉMENT RETORS.
@+

dimanche 23 mars 2008

Un cri de haine lancé à la face du monde. Pas moins.

Sérieux ? Sérieux, je flippais. La nouveauté m'écoeure et m'ennuie, pour dire. Alors se lever pour de vrai, pour le travail quoi, palper de la thune en fin de mois, causer sérieusement d'engagements contractuels, enfin tu vois, c'est moi, end, le gars qui emballait sur #18-25 en bouffant des frosties. Qui se levait pour les rediffs d'Olive et Tom. Le type qui est passé de l'enfance à l'inertie en bâillant. Et je flippais, parce que je voyais bien que je m'acclimatais à la responsabilité et aux heures sup'. Je me disais, c'est un peu facile quand même, ton patron te prend pour un adulte, toi t'enfiles le costume et tu glisses du win-win en format excel sans chouiner ? Allons. De fait, après des années de complaisance et d'apitoiement onanique (niste ?), je participe à la collectivité. Normal. Et la peur, c'est de s'adapter si bien, qu'il se pourrait même qu'il n'y ait pas eu adaptation. Peut-être que je suis de ces gens qu'on pose n'importe où et qui recalculent immédiatement la fonction linéaire de leurs principes (c'est à dire qui n'en ont pas). Enfin, plutôt que se faire chier avec les principes, parlons d'ameublement idéologique. J'exagère mais il est 4h du mat'. Donc peut-être que je suis de ceux qui vivent sans se réaménager d'existence selon le bail du dehors. Tu me poses au Soudan, je prends les armes et je tire à vue. Tu me poses à Vichy, je dénonce. A Baicheng, j'attends la mousson.
Bref, je me disais, c'est inquiétant. Si l'extérieur te conditionne à tel point que tu n'existes que par et pour lui, tu vas sacrément t'emmerder à ta mort.
Mais - mais ! - jeudi, j'ai enfin eu la démonstration qu'une identité un peu chiante se planquait sous ce corps amer. Figure-toi que je revoyais de la famille. Et que j'y fus aussi détestable qu'à l'accoutumée, c'est à dire aux confins de l'autisme et du désintérêt. Alors que je bosse ! Et que je devrais - si l'on suit la logique énoncée pendant pas moins d'un paragraphe - pouvoir tenir une discussion adulte sur le pouvoir d'achat ou la météo qui s'entête à respecter les quotas de giboulées. Donc, et c'est la morale de l'histoire, bien que fluctuant social, je reste un gros con amorphe. J'ai eu peur. Un instant.

samedi 15 mars 2008

Quinze en abbesses

Quinze n’a jamais obtenu de réponse. De réponse sérieuse. Sa mère lui répète que « c’est venu comme ça », et « ça nous a plu ». Et puis, souligne-t-elle à regret, tu t’appelles aussi Germain, « au cas où ». Elle finit toujours par allumer une clope, hausser les sourcils comme pour marquer une suspension de séance. C’est qu’elle n’a pas de compte à régler, Quinze c’est très joli, original, voilà.

Quinze a des milliards de comptes à régler, aussi s’affale-t-il sur un banc anti-clodo, ceux qui se penchent vers le marginal et lui soufflent « Tu dors pas ici, toi ; tu dégages ». Des milliards de comptes à régler, et Sophie Bofmann sera la première, qui est à la bourre. Station Abbesses, 13 heures. Et il est 13 h 30. Bordel.

Bofmann, déjà. Ça vient de Baufmann ? Changé pendant la guerre ? Quinze est sensible aux valeurs patronymiques et Bofmann, ça peut pas exister. Boffmann, à la rigueur. C’est un complot, le mec au prénom improbable qui saute la fille au nom qui n’existe pas. Quinze et Bofmann, ça fait des emmerdes. Pourtant, Sophie est pas chiante, c’est pour ça qu’il s’est attardé sur elle. Elle frappait à sa porte, il a ouvert vaguement exaspéré, elle a dit comme en s’excusant : « Bonjour, c’est quoi la musique ? » C’était, bah c’est Death in Vegas, que j’ai mis un peu fort, désolé, mais y’a du bruit en bas. On fête un anniversaire, qu’elle a justifié. Ah bon, c’est vous. OK. Vous voulez venir ? qu’elle a proposé. Pas chiante, Sophie Bofmann. Une fille sans manière, décrit-il, sans savoir si c’est bien. Si c’est bien, ou pas. Tout ça. Elle est pas moche. Pas chiante. Quinze a fantasmé de longs mois sur une rousse croisée au Memphis. Le Memphis, encore un nom de merde. Mais la rousse était excitante, une sorte d’élégance enroulée, dans l’oscillation des bras qui brassaient ses ondulés vénitiens. Et des nibards, mon gars. Bofmann est pas chiante, mais elle n’est pas le fantasme coulé d’une boîte pourrie. Elle n’est pas le songe en bordure de périph’, quand les potes vous laissaient catatonique de l’échec. La rousse, ce n’était pas qu’une branlette, c’était un destin possible, du moins admissible, l’infinitésimale probabilité d’une apogée. Sophie Bofmann est en retard.
Le bonheur, on s’imagine en avoir le goût jusque dans sa simplicité. Pour Quinze, ce serait des crêpes en bar breton, les pieds dans le goémon et les rentrées tardives à la Kriek. Néanmoins, il devine. Que ces petites balises ne sont qu’un alibi. Une façon de dire, je me contente de si peu, qu’au moins je sois exaucé. La vérité, c’est qu’on ne s’en satisferait. Jamais. C’est pourquoi, nous ne serons pas exaucés. 14 heures.
Comment c’était ? Satori ? Sasori. Ouais, Sasori. Le personnage était attachant, Quinze l’avait soumis à l’approbation de Sophie Bofmann, il lui avait expliqué, Sasori ne supporte pas le retard, tu vas comprendre pourquoi. Mais Bofmann n’avait pas compris. Elle ne s’intéressait pas aux mangas. Quinze avait insisté, Sasori valait une soirée, il était important qu’elle contemple le marionnettiste ponctuel, ponctuel névrotique. Et tout s’expliquait sur les dernières mesures d’Hakubo, alors qu’il se laissait mourir. Sophie Bofmann, qui n’était jamais chiante, s’était montrée passivement obstinée ce soir-là, à ne pas comprendre.

Une bouffée de haine envahit Quinze, une violente pulsion de mort à l’endroit de cette fille au nom inexorable. Il n’y pas de choix. La rousse, c’était ce vers quoi je tends, les pas vasifiés dans les algues, ces gros seins à malaxer. Ailleurs, c’est le néant. Je m’appelle Quinze, putain. Je m’appelle Quinze parce que c’est original. La seule question étant : qui de ma mère ou de moi s’enorgueillit de cette solitude calendaire ? Qui paradait auprès des copines, des collègues, des tantes, portant ce morpion de chair qui ne se distinguait des grouillants brailleurs que par son nombre ? Répondre à cette question, c’était répondre à tout. C’était reconnaître à Sophie Bofmann son statut d’alternative crédible, à l’idéal vénitien ou au néant. C’était pardonner au néant. Je baise le néant. Je baise le néant, murmure Quinze en partant.

samedi 8 mars 2008

now I'm rrrreally unimpressed

Si Manny est un imbécile entouré d'une barbe, Arwen fut une jolie fille entourée du monde. Pas belle comme peuvent l'être les postulantes à l'inaccessibilité, jolie comme le sont les taches de rousseur encadrant un sourire qui ne dit rien, comme l'impliquent ces mèches ramassées de bretonne, exposées aux méridiens écumants et longitudes salines. On se voyait mal finir sa vie avec, mais elle fut l'étoile protectrice d'un tas de puceaux gerbant leur vodka en spasmes de dépit. Arwen n'éprouva rien de l'amour, aucune lave rognant la densité raisonnable, elle ne voyait donc pas le mal à se laisser enfourcher, tant que ça faisait plaisir. Elle concéda néanmoins à la société - ses copines aigries - une distance prudente avec l'urgence des paumés. Au confluent de la facilité et de la contrainte, elle étira ses jours en soupirs accablés, contemplative inerte de la misère affective qui engluait les aspirants à ses pieds. Elle était - c'est important, prends des notes - sincèrement triste de voir ces petites choses empêtrées dans leurs fantasmes vaseux alors qu'elle aurait pu combler leur incandescence en leur suçant la bite. Arwen comprit qu'il fallait faire avec, et prit soin d'être une fille normale, lectrice de presse people, collègue souriante, végétarienne non-prosélyte. Cette normalité devint logiquement suspecte, et son entourage décida qu'elle avait, comme toutes les jolies filles, des problèmes psychologiques (toutes les filles moches ont également des problèmes psychologiques, mais on s'en fout puisqu'elles sont, de fait, moches), dont on considéra à l'unanimité que c'était dommage, elle qui est si jolie.
Les gens étant décidément trop cons, Arwen reporta son affection sur son petit frère, un garçon plutôt médiocre dont il n'y a rien à dire. Elle comprit l'empressement cardiaque qu'ont les dépressifs d'exister à jamais pour - ne serait-ce qu' - une personne. Quelques années plus tard, elle rencontra un type qu'on appellera Pépito pour la déconne. Pépito était une forme première de la racaille d'aujourd'hui. Un garçon qui traînait avec des potes et qui concevait la vie comme une succession de halls d'immeubles qu'il faudrait comme immortaliser avec sa pisse. Le destin étant farceur, Pépito aima. Je veux dire, vraiment amoureux. Jusqu'à se recréer de l'envie, de la condition, de - ça me troue un peu le cul, mais c'est ainsi - l'identité. Il fut, et c'est vraiment dommage cette fois, l'homme qui aima le mieux Arwen. Il la prenait en photo. Constamment. Chaque putain de jour il vidait plusieurs pellicules, Arwen en oblique, Arwen un bras levé, Arwen deux bras levés, Arwen atteignant la cafetière en haut de l'étagère, Arwen la cafetière dans les bras, Arwen écartant un bras, Arwen saisissant un filtre entre ses doigts, Arwen déposant le filtre, et toutes ces photos rangées dans un carton étiqueté "Arwen prépare le café". Pépito accepta le petit frère comme une composante inhérente à sa vie rêvée. Il lui démontra qu'on pouvait s'élever de la pisse à l'espérance, de l'espérance à la rage, de la rage à la félicité. Il lui prouva qu'on pouvait renoncer à soi pour s'aimer. Il lui enseigna le bonheur tranquille des pas dans ceux de l'autre, et de la main accrochée à ses doigts. Il lui dit tout ce qu'il y avait à dire, de la façon d'appréhender l'infini comme une flaque obscure dessinée aux contours du concret, des vers de sable qu'il fallait traquer en creusant par-dessous, des recoins des trains où le contrôleur ne le verrait jamais. L'autre, évidemment, ne répondit rien. Pépito lui trouva un stage, puis mourut, dans sa bagnole.
Arwen fut triste comme elle ne s'en serait pas cru capable. C'était une fille sauvagement intelligente, un esprit qui n'aurait procédé qu'en instinct, mais dont l'instinct serait lui-même calqué sur des impulsions de raison. C'est dire si elle était maline, quoi. Mais tu sais ce qu'est la douleur ? Disons que c'est un voile sur le reste. Sur tout le reste. Il ne reste que la douleur et les moyens de la combler, car, d'une certaine façon, elle se nourrit de tout ce qui t'inclut et le recrache en tumeur qui te broie - crois-tu au départ - pour mieux expulser chaque organe qui aurait la prétention d'exister hors d'elle (la douleur, putain mais suivez un peu). Et Arwen fit une erreur monumentale. Elle crut - j'en ris encore, mais c'est pas pour me moquer - qu'elle pourrait ne pas crever de tristesse grâce à son petit frère. Exister à jamais pour une personne. Arwen.

mardi 4 mars 2008

à dire

J'ai dit que j'étais incompétent ? Bon, c'est dit. Parmi les quelques dizaines de conceptions qui organisent (ah mais comment je vais me tirer de cette phrase ?) mon parallélisme au monde (et là tu penses que j'ai grugé la sémantique comme une porcasse, alors que le parallélisme c'est un concept tout à fait concret, imagine deux trajectoires qui mettraient un entêtement certain et contrariant à ne jamais se croiser, et que ces trajectoires seraient moi d'une part, et le flux vibrant de l'existence de l'autre, hey, tu les vois ces petits bobsleighs qui vont se crasher à coup sûr mais dans des temps et des espaces qu'ils croiront n'appartenir qu'à eux, les cons), je suis convaincu que mon incompétence est une donnée acceptable (et partagée, mais je veux pas casser l'ambiance) pour la dimension humaine. Pratiquement : si je te foire la mise en page du rapport au client, tu pourras toujours te décharger sur moi, et même en rajouter dans mes incapacités, voire à faire admettre les tiennes comme une résultante des miennes, hmm ?
Acceptable, oui. Je me suis engagé à ne pas respecter ce que je fais, ni à m'investir. Pour ne pas prêter aux nécessités salariales un flanc compatissant et soumis, pour ne pas ressentir l'injustice, pour ne pas bouffer entre collègues et ne pas baiser la salope du 5ème. Pour ne pas être malheureux, hein.
Seulement voilà, maintenant que c'est du sérieux et qu'on parle pognon et engagement et contrat, maintenant qu'on en déduit et qu'on ressent, qu'on suggère pour tout dire que je pourrais incrémenter la production, et pour tout dire me magner, je ne joue plus. Je pourrais dire. Par exemple.

J'étais amoureux et c'est là que je me suis mis à confondre des notions aussi distinctes que la vie et l'existence, l'envie et la tripaille hurlante, le feu et les nuits à t'attendre. Les nuits à t'attendre alors qu'il n'y en eu qu'une. Et que tu finis par venir. Mais tous.ceux.qui.ont.été.amoureux. savent que les heures où on ne se sent plus exister pour l'autre sont des nausées impatientes, sont des renoncements et de la haine en mélasse, sont la lenteur exacte de l'inexistence qui ne sait pas si elle poindra au jour, sont la pointe portée aux remugles stomacaux, et pour longtemps. Et amoureux je l'étais. Qu'ai-je à justifier ?

jeudi 21 février 2008

On touch

Je pense à toi, qui n'aurait aimé qu'en voluptes, qui aurait vécu la dissension et l'accomplissement comme un nuage vaporeux au coin des cils, au revers des élégances et pour s'en baffrer de l'accointance, je me contemple dans cet avenir si justement esquivé, tout à fait, toi en doudoune blanche, psalmodiant des considérations océanes au creux du canapé, et moi donc, qui ferait mon entrée sous les rires du public, te présentant mon attestation carte vitale, m'enquérant prix du pain et consorts, ton regard vide et regret minéral. Sais-tu qu'en plongeant le regard dans la vitre du premier wagon, on voit les rats métropolitains, sais-tu que chaque gravillon vit sa propre histoire, une histoire qui se résume aux faisceaux et au noir, sais-tu que c'en sont des milliards qui s'effritent aux rails étincellés, sais-tu enfin que chaque assistant de direction s'imagine avoir souffert plus qu'aucun dieu n'aurait pu l'exiger en pénitence, as-tu compté les assistants de direction de par le monde, t'imagines-tu cette masse de souffrance se déverser de chaque recoin du monde, et n'oublie pas barbès où ils sont singulièrement nombreux, donc tu l'imagines, ce poids cinglant de contrition et de plus jamais jamais, et toi qui voudrait que tout ne soit que voluptes et marelles, corole en fin de prénom, pistil sanguin du souvenir, ma toute petite j'en ai craché du boyau et j'en suis revenu, et néanmoins je ne t'oublie pas. C'est ma fin de non-recevoir à ta poésie pour chiâleuse des alcôves, c'est ma bite pour tes alternoiments, c'est mon grincement pour tes mutismes, c'est mon adieu pour ce que j'ai lu de toi, c'est je reviendrai après la fête, c'est je ne t'oublie pas mais ton souvenir crissera parmi les gravillons qui sont des milliards.

mardi 19 février 2008

La faute aux trentcinkeur (c'est)

Tu l'auras compris (ou pas, c'est insignifiant), après quelques années de grattage de burnes, je suis de retour dans la quoi ? sociabilité ? enfin dans la vie au sens strict. Finies donc les permissions foireuses aux ellipses du vécu, je pourrais limite tenir un journal de bord. Finie aussi la brasse coulée en USB, je suis carrément présent et pour tout dire prolixe. Le travail, le vrai, offre les perspectives attendues mais réconfortantes des complots à deux balles, de l'accablement du stagiaire et de la soumission aux directions. C'est un mal nécessaire. On se croit vite irréprochable, et les collègues en font toujours moins. On se surprend à réclamer fermement les heures sup', à cafter le cossard du 3ème, à border les tableaux excel. Alors que bon. Alors qu'on s'imaginait un peu autrement, dévergondé de la convenance. On se croyait meilleur. Chaque jour, le travail nous rappelle que nous n'avons jamais cessé d'être médiocres.

samedi 16 février 2008

Quatre vodkas dans le cul, rdy 4 bloggin', kk ?

Et alors je tombe en arrêt devant cette bonne face de Giesbert, si remplie de satisfaction et de certitudes, mais est-il besoin de parler de Giesbert ? Ses invités donc, un journaliste, Berléand, Soral (Alain), Juppé (Isabelle). Thème de la dispute : internet, où chacun joue son rôle. Le journaliste crétin nous explique sans rire qu'internet, royaume de la désinformation, voyez, moi, carte de presse et déontologie, quand même. Berléand, sympatoche et bayrouiste, le rappelle gentiment (car bayrouiste) à l'ordre : Outreau, quand même, ducon, c'est internet ? Sympatoche, Berléand. Soral, dans ses névroses victimaires, nous répète qu'on l'a menacé de mort sur des forums, hein, t'as vu. Et tout le monde se traite de fasciste, c'est pas gentil. Je préférais Soral en bourreau, quand il claquait la gueule d'Alonso, c'était vain et distrayant. Soral arpente des couloirs sans fin, persuadé qu'il a dépassé le monde. Qu'il a compris contre tous les autres. Pourquoi pas, mais le voir jouer de la rhétorique pour défendre Le Pen est désolant. Le voir reprendre au vol des stagiaires pour redéfinir le champ lexical du racisme est d'une tristesse sans nom. Soral est un boxeur dont on voit venir les coups. Reste Isabelle Juppé, dont on ne finit pas de s'étonner des étranges perversions sexuelles qui l'ont conduite dans les bras du sinistre wannabe caribou. Isabelle dit : internet c'est le reflet de la société. Bien. Isabelle dit : sur internet y'a des gens bien et d'autres non. Bien. Isabelle dit : je vais sur internet pour connaître l'univers que côtoient mes enfants. On s'en branle mais c'est bien. Isabelle dit : des femmes (courageuses) tentent d'instaurer une nethique.
Bon, c'est n'importe quoi. Déjà, c'est quoi cette histoire de femmes ? Sans déconner, la nethique, on en parlait déjà sur les chats de drague y'a dix ans. Depuis quand les femmes, race infiniment respectable et excitante, ont le monopole des inventions crétines ? I mean, pourquoi pas les Gronendaels ? ça aurait de la gueule sur wikipedia : les Gronendaels ont inventé la nethique en 1978.

La nethique, c'était déjà le contrepoids ordonné au bordel que j'aimais. En chauffant Liloutte59 sur #sex, toujours ces suceurs de modos qui venaient nous expliquer que non, décidément, il y avait des règles. Et moi, compréhensif, acceptant l'idée que l'hébergeur se protège et respecte la loi. Mais nethique, soit règlementation adaptée au web, foutaises. Cette civilité pataude qui s'impose au chaos de l'anonymat, conneries. S'impose au nom de qui ? Le chaos, justement, était ma terre d'accueil. Un monde comme un autre, mais qui ne se soumettait pas la queue battante à l'ordre, aux convenances et aux noms. Par extension, je prends les paris, on finira par interdire les pseudos, à se créer de la traçabilité numérique. Car, n'est-ce pas, la diffamation et l'inconséquence. Car, les pédophiles et les nazis. Car, un ensemble de choses auquel est préférable notre monde, où on sait qui parle à qui. Notre monde ou le chaos. Le chaos, merci.

lundi 11 février 2008

Hakubo

Important que je te dise, à l'heure où je m'entraille du yahourt, à l'heure où mes couilles s'aplatissent, à l'heure où je me rase tous les jours, à toutes ces heures enfin, qu'elles auraient pu ne pas être. C'est important et pour moi. Et je ne suis pas venu chercher quoi que ce soit. Et je n'en conçois rien. Et les nuits passent-elles toujours si lentement avec toi. Et les miennes je les laisse à dormir, parce qu'il ne faut pas décevoir le client, vois-tu. Vois-tu ? Toi qui raillais de la colonne mon ineptitude (hommage !), vois comme certains comptent sur moi, à présent. Comptent sur moi comme ils compteraient sur un autre, mais chacun prend sa place et tourne en hamster éperdu pour graisser l'engrenage. Et ce que tu avais senti en moi, ce n'était que ça, cette adaptation au rien de la grosse thune, cette entrée dans les ordres capitaux, cette tempérance. Et c'est important de te le dire, mais seulement pour moi : il y aurait eu toi. Et c'est pourquoi je ne t'ai jamais crue, pour ta capacité (prodigieuse) à changer ma vie. Et voilà comment je n'ai aucun regret à te croiser. Et voilà comment je n'ai rien émis à ta venue. Et voilà comment nous ne sommes rien.

samedi 9 février 2008

Mama Karpov

En cadre informel, se confie-t-elle, j'ai préféré vous parler. C'est que Mama Karpov doit gérer une situation de crise. Situation de crise m'a-t-on quasi épelé, si-tu-a-ti-on, m'a-t-on martelé, et j'y mets les formes jusque dans le fatalisme du clou au moment de l'impact.
Mama Karpov dispose d'un pouvoir de nuisance considérable, considérable oui, c'est le mot qui revient à chaque fois, l'expression exacte, le terme choisi par quelqu'un qui sait choisir ses termes, et les golios de la com' l'ont repris en boucle, crachant du mythe à l'envie : ainsi Mama Karpov est-elle devenue un croquemitaine pour stagiaire en goguette. Au demeurant, c'est une femme vieille et légèrement bouffie qui semble imperméable à la colère. Elle ne dégage aucune force, aucune émanation résiduelle d'un karma libéro-compatible. C'est une secrétaire, j'ai pensé. C'est une secrétaire qui n'aurait pas de supérieur, pas de compte à rendre. Voilà ce que j'en dis : Mama Karpov est une anomalie hiérarchique.

lundi 4 février 2008

Ouais donc, je disais

Séverine ! OK, j'ai toujours eu beaucoup de mal avec les points d'exclamation et de suspension. L'exclamation parce qu'elle me paraît toujours surjouée et chiante, la suspension parce que j'imagine toujours le gros malin qui-n'en-pense-pas-moins, ou la pouffiasse qui se la joue mystère et implicite. Dans ce prénom exclamé donc, il ne faut voir qu'une transcription maladroite de l'oralité - enfin du ton, poil aux cons.
Le buste de Karl bigbangue dans le néant de la Volvo. Ah j'en ai chié là. L'idée étant que Karl ne pénètre que par le buste dans la bagnole, il se penche quoi. Par la vitre de la place du mort. T'as vu comme c'est chiant à décrire ? Du coup, après moult versions, j'ai opté pour le n'importe quoi : il bigbangue. J'opte toujours pour le n'importe quoi.
Séverine, mon coeur a ralenti. J'aime bien l'idée des battements qui s'espacent. Comme le titre de battre mon coeur s'est arrêté, que je trouve, mais je suis une incorrigible midinette voire une grosse salope, magnifique. Si, à l'instant. Séverine, j'ai trouvé, je veux que mes empreintes se décollent de ma peau, je veux dégorger mes intestins. En fait le texte est parti de là : l'idée que le corps se retire, comme dégoûté de ce qu'il abrite. lol. Non mais en gros c'est ça, je tournais dans mon studio, et hop, l'idée du corps qui se carapate hors de soi.
Séverine tourne un visage mou vers la masse indistincte qui accourt derrière Karl. Des infirmières et des vigiles au regard inquiet ou vaguement hostile. Séverine donc, j'y reviendrai, comme la majorité de ses contemporains, se bat les couilles de l'existence de Karl. Dans cette histoire, l'important n'est pas que Karl soit un incompris, mais qu'il ne cherche pas la compréhension. C'est à peu près sa seule singularité. Parce qu'entre nous, qui n'a jamais voulu, ne serait-ce qu'une fois, être compris ? Hein ? Non mais je demande.
Que mon corps m'éjecte, Séverine, invivable jusqu'en moi. Est-ce que ça suffira ? Est-ce qu'au dessus de ma dépouille on parlera somatisation et haine de soi ? Est-ce que les gens sont toujours aussi chiants dans la décomposition ? Ah j'aimais bien ce passage, mais j'écoutais Birdy Nam Nam, et j'ai un peu tendance à m'enflammer quand j'écris en dansant. Ça fait un peu ado qui se la pète, pas vrai ? Mais Karl est, en gros, un ado qui se la pète. Ça m'intéresse peu, pardon Séverine, de toute ma vie je n'ai pu éprouver la curiosité de l'autre, mais il faut bien que je parle à quelqu'un. Tu leur dis ce que tu veux, voilà. Ou alors.. Ce qui les arrange, tu peux deviner ça, non ? Là par contre c'est complètement raté, jusqu'aux points de suspension qui n'assument pas leur trialité. Trop caricatural, le mec qui ne s'intéresse pas aux autres, et pas vraiment ce que je cherchais. Karl ne s'intéresse pas aux autres, mais ce n'est qu'un effet collatéral, ce n'est pas pensé, et surtout pas conscient.
Séverine acquiesce. Magnifique passage !
Bien, ce qui les arrangera. Tu leur dis "il est décédé", et tu attends. Ouais, là je commençais à fatiguer, on est dans le ventre mou du texte, ça transpire le Sedan-Sochaux du dimanche soir.
Karl reprend son souffle. Putain, parfois j'ai honte. Sérieux : "Karl reprend son soufflePOINT". Non mais, sérieux.
Séverine, c'est vraiment un prénom de merde. J'avais une fille dans ma classe, en CE1, elle s'appelait Séverine, un peu grosse, elle avait une emprise totale sur la classe, même les mecs, elle jouait au foot avec eux. Je l'ai croisée huit ans plus tard, elle couchait avec des filles et moi j'étais toujours une fiotte surprotégée. Elle était contente - c'est le mot qu'elle a employé - de me revoir. Je ne lui avais jamais parlé. Il lui suffisait de m'ignorer pour s'épargner ce silence gênant. C'est ce que je n'ai jamais compris, il suffisait de m'ignorer. Ah ! ça pue l'autobio, hmm ? c'en est presque. A relire, on ne comprend pas trop si c'est pensé ou oral, ça m'arrange. Karl est de toute façon transparent, de sorte que Séverine peut très bien le deviner.
Le buste de Karl reflue sous l'impulsion d'un vigile. Tiavu ? On revient à l'idée du corps qui se barre tout seul. Je suis un gros malin.
Séverine l'observe se débattre en souriant. Tentative un peu vaine de faire exister le personnage de Séverine, par la figure vue et revue, ad nauseam, du spectateur amusé et détaché. Oué, Herbert, le jardinier en fin de cycle, tactac gros, touche ma bite.
- Tu as quelque chose contre les lesbiennes, Karl ? Je précise : Séverine n'est pas complètement conne. Elle ne s'intéresse pas à Karl - ou alors il la fatigue. Il est probable qu'elle n'ait rien écouté de ses tirades. Non mais je tenais à le préciser, j'ai fini à m'attacher à ce personnage de support.
- Je n'en pense absolument rien. Dis-leur que ce sont mes dernières paroles. Hey girl : it's life life life.

mardi 29 janvier 2008

Le prochain post sera un making-of

Je le dis ici parce qu'ailleurs ça n'intéresserait personne, mais voilà, approche : je suis très intéressé (et c'est déjà notable) par l'enveloppe.
Bon. L'humanité, les siècles, le tortillement des mèches brunes, le sourire qui se crispe, la désaffection et l'intérêt social; tout ça. On est d'accord ? ça n'a rien de compliqué. Baiser, se faire de la grosse thune et clamser avec du monde autour. D'où : le message n'a pas d'importance. Que je t'aime d'élégance contrite ou que je te bouffe la chatte, hein.
Par contre, les alentours, le collatéral, ça m'intéresse, très, d'un coup.
Avant-hier je passe voir la susdite sympathisante dont je t'entretenasse quelques lignes plus bas (oui je l'ai bien vu le gros pointillé rouge d'entretenasse, mais faut bien se donner une contenance à la cool pour pallier la déficience du style (et pourtant ça me coûte)). Je passe la voir pour la cinquième fois, le message est donc clair et sans intérêt : élégance, chatte, mèches brunes et confessions nocturnes sur mon enfance siiiiiii perturbée dans mon studio poisseux sur fond miyazakien.
Par contre, l'à-côté, c'est de la panne réseau orchestrée à grande échelle pour dépanner ton poste en loucedé, c'est de la conversation passionnée avec ta voisine d'open-space pour jouer l'indifférence professionnelle face à toi, enfin quoi, c'est de la putain de comédie qu'on en fait plus de si drôle depuis Gotlib. C'est intéressant. Très. Au moins.

samedi 12 janvier 2008

Faisons de la fiction, histoire de se la ouèj un minimum

Séverine !
Le buste de Karl bigbangue dans le néant de la Volvo.
Séverine, mon coeur a ralenti. Si, à l'instant. Séverine, j'ai trouvé, je veux que mes empreintes se décollent de ma peau, je veux dégorger mes intestins.
Séverine tourne un visage mou vers la masse indistincte qui accourt derrière Karl. Des infirmières et des vigiles au regard inquiet ou vaguement hostile.
Que mon corps m'éjecte, Séverine, invivable jusqu'en moi. Est-ce que ça suffira ? Est-ce qu'au dessus de ma dépouille on parlera somatisation et haine de soi ? Est-ce que les gens sont toujours aussi chiants dans la décomposition ? Ça m'intéresse peu, pardon Séverine, de toute ma vie je n'ai pu éprouver la curiosité de l'autre, mais il faut bien que je parle à quelqu'un. Tu leur dis ce que tu veux, voilà. Ou alors.. Ce qui les arrange, tu peux deviner ça, non ?
Séverine acquiesce.
Bien, ce qui les arrangera. Tu leur dis "il est décédé", et tu attends.
Karl reprend son souffle.
Séverine, c'est vraiment un prénom de merde. J'avais une fille dans ma classe, en CE1, elle s'appelait Séverine, un peu grosse, elle avait une emprise totale sur la classe, même les mecs, elle jouait au foot avec eux. Je l'ai croisée huit ans plus tard, elle couchait avec des filles et moi j'étais toujours une fiotte surprotégée. Elle était contente - c'est le mot qu'elle a employé - de me revoir. Je ne lui avais jamais parlé. Il lui suffisait de m'ignorer pour s'épargner ce silence gênant. C'est ce que je n'ai jamais compris, il suffisait de m'ignorer.
Le buste de Karl reflue sous l'impulsion d'un vigile.
Séverine l'observe se débattre en souriant.
- Tu as quelque chose contre les lesbiennes, Karl ?
- Je n'en pense absolument rien. Dis-leur que ce sont mes dernières paroles.

jeudi 10 janvier 2008

Gâchons donc huit minutes de ma vie à écrire l'inconsistance des choses, des êtres et des.. ah oui, des lieux

ouais, c'est un peu navrant mais je suis sensible au souvenir qu'on a de moi. Mais à quoi prétendre d'autre, hmm ?
Le plein-temps m'aura confirmé mon absence de dessein : je suis au bout, et le monde est vraiment tel qu'il ne s'est jamais caché. Pas de miracle, pas d'alcôve. Pas d'ombre à ce que je suis. Docile et tremblant. Envieux et crade. Mais l'inconnu m'aurait contraint à l'attente, à l'espoir un peu con de la révélation. Je me concentre donc sur mon bonheur possible dans l'instant, à savoir : pause clope huit fois par jour, rejet de la responsabilité, draguouille besogneuse. Gros coup à venir d'ailleurs, puisqu'une fille a sourit à mes blagues syndicales, ce qui me permet de vérifier simultanément qu'elle est a) de gauche b) désespérée c) compatissante. Son destin est d'ores et déjà méthodiquement calculé, dans six mois je la tutoie et d'ici deux ans je lui propose une clope. Et alors, il sera beaucoup trop tard pour faire marche arrière, l'évidence s'imposera : il faudra me claquer la bise. Tous. les. matins.