vendredi 10 octobre 2008

Et tu ne peux plier

J'ai une profonde affection pour moi-même, oui. Ainsi, lisant l'ami Nikita, je me souvenais de ces quelques mois où je te coursais le train. Je m'arrangeais pour te devancer de quelques mètres à la sortie, espérant si laborieusement que tu me voies et que tu m'appelles. C'était une façon de te laisser le choix. Te laisser le choix, toujours, lorsque j'imitais Pinochet au téléphone, pour que tu puisses croire, du moins faire semblant de croire, que tout resterait infiniment léger, que tes errances feraient le quotidien morose de mes quoi ? Allez tous ensemble : mes espoirs. Mais je n'ai jamais eu cette force de caractère, et j'attendais, des lettres, des visites, des mails, des appels. J'attendais en te souhaitant tout le malheur du monde, puisque nous avons tous aimé les filles perdues. Et il est vrai que ce n'était pas de l'amour, car on ne souhaite pas le malheur aux filles malheureuses qu'on prétend aimer. C'est, entre autre, ce qui fait de moi un individu de la masse, qui ne vaut pas le coup plus qu'un autre. C'est pourquoi j'ai une profonde affection pour moi-même. Parce qu'il ne fallait pas t'attendre, et que je l'ai fait.

lundi 6 octobre 2008

Elude des templiers

D'accord, parlons du frère d'Arwen. Le frère d'une héroïne. Qui cristallise les densités. Qui transporte le monde à sa suite. Qui vécut mille vies d'héroïnes. Qui fut suffisante à définir ce que pouvait être la vie, j'entends par là : parsemée et jonchée.
Son frère grandit à Rennes, entre la Leffe et les AG. Parfois il hausse un sourcil et te considère avec la compassion de l'oreille au moustique vrombissant. Il rejoint le FN en 1996. C'était quelque chose. Nous étions étudiants. Je veux dire que nos discussions, aussi enflammées que nous aimions le croire, n'étaient que des spirales décroissantes. Aussi éloignés que nous pensions l'être, nous finissions par nous entendre sur, plus que l'essentiel, l'ensemble. Nos désaccords étaient de simples nuances, de la sémantique appliquée aux descentes de houblon. Nous étions étudiants, et c'était assez pour mourir ensemble. D'accord sur, finalement, tout. Alors il s'engage au FN. Et c'est vraiment quelque chose. Car l'homme qui nous fait face n'est plus des nôtres. N'est plus étudiant. Est le mal.
Que pense-t-il des races ? pardon, des ethnies ? Rien. Il nous observe, l'oreille, le moustique. Peine de mort, chambres à gaz ? Son regard coule le long de ses doigts. Se détache de nous, d'Arwen. Pépito meurt, il part en ratonnades. Des nuits de violence maussade, à tabasser ce qui traîne. Prend du galon.
N'existe plus. Disparu de l'entre-nous. Parti là d'où ne reviennent plus que des épaves d'hommes, bouffis des réponses faciles qu'offre la haine de toute chose.

Arwen considère le rien qui fait sa vie depuis la mort de Pépito. Ce n'est pas tant un homme qui les aime qu'attendent les femmes. C'est l'homme qui ajuste son orbite à leur gravité, la morsure à leur plan d'existence, la crispation de leur mâchoire à ce qui fait d'elle l'indivisible nécessité. Ce n'est que la passion, mais c'est ce pour quoi nous souffrons et espérons avoir vécu. Pépito est mort en passion. En cette période qui ne tolère rien sauf l'autre et qui fait de nous des animaux nuisibles. De fait, Arwen ressent de l'amour vide. Des artères violacées et des coroles pantelantes. Voilà le suicide permanent que s'imagine vivre Arwen, dans sa tragédie d'héroïne déclassée, dans son ratage d'espérance. Dans ce rien qui fait le tout des connes. Et qui s'étend, fume des Bensons sur les escaliers trempés, patientant l'impossible.
Alors Arwen, lassée de vivre comme une absence, car l'absence ne souffre pas le rapport constant aux autres, les relevés de compteurs d'eau ni les régimes d'été, Arwen se dit qu'il est bien temps de revivre et d'aller au monde comme on va en course. Arwen se décide à revivre les temps héroïques d'elle-même.

Le regard de son frère continue de couler le long de ses doigts.
Le frère d'Arwen contemple ce qu'elle-même attribue au néant.
Ce rien d'existence, qui fait sa fierté imbécile de veuve stellaire. A la peine minérale. Si vite abreuvée.