lundi 27 décembre 2010

Eric au Mexique

Tout est facile. La première fois que j'ai démonté un ordinateur, je croyais au cauchemar des néons et des soudures. La première fois que j'ai monté une fille, je dégoulinais d'une sale trouille visqueuse, anticipant les approximations anatomiques. La première fois que j'ai nagé au-delà des bras de mon grand-père, je me suis noyé de larmes. Mais tout est facile.
Cette fille, près de moi, est Sophie. Sophie est la fille que j'ai aimée pendant quatre ans. Quatre ans durant lesquels chaque nuit fut occupée à l'imaginer près de moi.
A présent, je veux dire à l'exact moment où Sophie, près de moi, adresse un sourire navré à l'hôtesse qui essaie de calmer la vieille chieuse devant nous, j'ai la France au cul. Pas toute la France, mais son incarnation la plus concrète.
Nous partons vers le Mexique. C'est un pays suffisamment abstrait pour faire le lien entre un territoire hostile et le monde que je conçois : Sophie me suçant à Bora-Bora. Tout est facile. Il suffit de se poser une question : où peut-on se perdre ? Au Mexique. Ceux qui ont pensé au Japon sont des cons.

J'ai accepté de partir, murmure Sophie.
Ma mère va mourir, et Quinze est cinglé. Je préfère te suivre.
Je ne suis pas très courageuse. Je me fous du courage.
Tu te souviens de Jimmy Sommerville ? Sa version de Comment te dire adieu ?
Je le revois s'agiter, faire le con devant la caméra. C'est incroyable. Personne n'a jamais rien su tirer de cette chanson, sauf lui. Jimmy Sommerville se trémoussant et ânonnant des paroles sans conviction. Comment dire adieu. Il y a répondu.

jeudi 7 octobre 2010

La suite tant attendue d'un récit pas loin d'être haletant

Ah oui, la biographe de papa.
Le doigt pesant de Karl fait défiler les chaînes, toutes muettes.
Oui oui, j'ai un peu exagéré ta mélancolie naturelle, petite soeur. Mais tu n'étais plus si loin du suicide, fut une période.
Non ?
Alors j'ai beaucoup exagéré.

Ne pas m'en vouloir. Je raconte des choses imbéciles, si souvent. Que ça ne te fasse pas rater le crumble.

Aucun risque, siffle Mina au regard concentré.

Regarde, le clip d'REM. Tous ces symboles, vraiment un truc de pédé, non ? Enfin moi je lis beaucoup de pédés, incroyable ce qu'ils produisent d'ailleurs, et ils ont le goût de la métaphore. La représentation, ils aiment. Presque autant que les rappeurs.

Une nouvelle théorie, Karl ?

Non, la fatigue. Ce boulot me désespère. Il y a l'enthousiasme à flinguer les espoirs des minables, mais il y a surtout l'épuisement de la lecture industrielle. Je suis le premier rempart de la publication, et je suis morcelé. Tu ignores le nombre effrayant de petits pistonnés qui franchissent mes douves. Alors je me venge sur les autres.

Ils fonctionnent par cycle. Parfois ce sont les femmes qui parlent de sexe. La première est publiée et ce sont des milliers de petites vocations misérables qui surgissent. En ce moment c'est le qualificatif. Quel génie les a convaincus que c'était la marque des grands ? Aucune idée mais la réalité est là, plus un mec traversant la rue qui ne soit élégant, fragile, ventripotent (ventripotent, petite soeur !), serein ou apprêté. Et la rue, paisible, sombre ou déserte ? Et la démarche, souple ou feutrée ? Ah, le voilà déjà sur le trottoir d'en face, pourvu qu'il soit étroit ou jonché d'immondices.

C'est la littérature, non ? Le crumble est bientôt prêt.

Et si ce n'est pas la littérature ? Je décide après tout.

C'est la littérature que l'homme soit ventripotent. Si c'est la vie, c'est un homme qui traverse la rue. Si c'est le cinéma, c'est l'homme qui fait semblant de traverser une rue qui fait semblant d'être la rue que traverse l'homme. Si c'est la musique, ce sont les croches qui font ses pas. Mais c'est la littérature que l'homme ventripotent traverse la rue bondée.

...
Tu es complètement conne, Mina. Heureusement, je suis là pour préserver les honnêtes gens de l'existence de l'homme ventripotent. Et de sa démarche féline qui le mène au trottoir orange.

De quel droit ?

Sérieusement ?

Sérieusement.

Parce que c'est ma fonction dans la société. Parce que j'ai écrit un chef d'oeuvre qui me donne le droit de juger ce qu'est la littérature.

Tu n'as jamais écrit de chef d'oeuvre.

C'est ton avis. Mais papa l'a aimé, et à cette époque, il était la littérature même.

Il a simplement dit que c'était surprenant. Surprenant de la part d'un nabot.

Un nabot austère. Mais il m'a publié. Et j'ai gagné tous les prix.

Deux prix.

Ils ne peuvent pas tous faire gagner le même. C'est mauvais pour l'industrie.
Très bien le crumble.

Pourquoi tu lui as dit que je m'étais suicidée ?

Tenter de te suicider. A cette fille ? Je sais plus. Je m'emmerdais et j'avais peu de choses à dire sur papa. J'aime parler de toi.

Karl.

J'aime parler de toi. C'est vrai.

Karl.

Pour qu'elle vérifie. Elle ne te parlera pas avant d'être sûre que cette histoire soit vraie. Si tu veux des réponses, il faut commencer par tout savoir.

Ensuite ?

Bientôt elle voudra le voir.
Le chapeau de Ronan oscille, porté par le mouvement du hamac.

Et tout finira.

dimanche 27 juin 2010

Jours trankils

On pourrait croire que je suis un gros branleur.
Et on aurait, somme toute, raison.