samedi 12 janvier 2008

Faisons de la fiction, histoire de se la ouèj un minimum

Séverine !
Le buste de Karl bigbangue dans le néant de la Volvo.
Séverine, mon coeur a ralenti. Si, à l'instant. Séverine, j'ai trouvé, je veux que mes empreintes se décollent de ma peau, je veux dégorger mes intestins.
Séverine tourne un visage mou vers la masse indistincte qui accourt derrière Karl. Des infirmières et des vigiles au regard inquiet ou vaguement hostile.
Que mon corps m'éjecte, Séverine, invivable jusqu'en moi. Est-ce que ça suffira ? Est-ce qu'au dessus de ma dépouille on parlera somatisation et haine de soi ? Est-ce que les gens sont toujours aussi chiants dans la décomposition ? Ça m'intéresse peu, pardon Séverine, de toute ma vie je n'ai pu éprouver la curiosité de l'autre, mais il faut bien que je parle à quelqu'un. Tu leur dis ce que tu veux, voilà. Ou alors.. Ce qui les arrange, tu peux deviner ça, non ?
Séverine acquiesce.
Bien, ce qui les arrangera. Tu leur dis "il est décédé", et tu attends.
Karl reprend son souffle.
Séverine, c'est vraiment un prénom de merde. J'avais une fille dans ma classe, en CE1, elle s'appelait Séverine, un peu grosse, elle avait une emprise totale sur la classe, même les mecs, elle jouait au foot avec eux. Je l'ai croisée huit ans plus tard, elle couchait avec des filles et moi j'étais toujours une fiotte surprotégée. Elle était contente - c'est le mot qu'elle a employé - de me revoir. Je ne lui avais jamais parlé. Il lui suffisait de m'ignorer pour s'épargner ce silence gênant. C'est ce que je n'ai jamais compris, il suffisait de m'ignorer.
Le buste de Karl reflue sous l'impulsion d'un vigile.
Séverine l'observe se débattre en souriant.
- Tu as quelque chose contre les lesbiennes, Karl ?
- Je n'en pense absolument rien. Dis-leur que ce sont mes dernières paroles.

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