lundi 4 février 2008

Ouais donc, je disais

Séverine ! OK, j'ai toujours eu beaucoup de mal avec les points d'exclamation et de suspension. L'exclamation parce qu'elle me paraît toujours surjouée et chiante, la suspension parce que j'imagine toujours le gros malin qui-n'en-pense-pas-moins, ou la pouffiasse qui se la joue mystère et implicite. Dans ce prénom exclamé donc, il ne faut voir qu'une transcription maladroite de l'oralité - enfin du ton, poil aux cons.
Le buste de Karl bigbangue dans le néant de la Volvo. Ah j'en ai chié là. L'idée étant que Karl ne pénètre que par le buste dans la bagnole, il se penche quoi. Par la vitre de la place du mort. T'as vu comme c'est chiant à décrire ? Du coup, après moult versions, j'ai opté pour le n'importe quoi : il bigbangue. J'opte toujours pour le n'importe quoi.
Séverine, mon coeur a ralenti. J'aime bien l'idée des battements qui s'espacent. Comme le titre de battre mon coeur s'est arrêté, que je trouve, mais je suis une incorrigible midinette voire une grosse salope, magnifique. Si, à l'instant. Séverine, j'ai trouvé, je veux que mes empreintes se décollent de ma peau, je veux dégorger mes intestins. En fait le texte est parti de là : l'idée que le corps se retire, comme dégoûté de ce qu'il abrite. lol. Non mais en gros c'est ça, je tournais dans mon studio, et hop, l'idée du corps qui se carapate hors de soi.
Séverine tourne un visage mou vers la masse indistincte qui accourt derrière Karl. Des infirmières et des vigiles au regard inquiet ou vaguement hostile. Séverine donc, j'y reviendrai, comme la majorité de ses contemporains, se bat les couilles de l'existence de Karl. Dans cette histoire, l'important n'est pas que Karl soit un incompris, mais qu'il ne cherche pas la compréhension. C'est à peu près sa seule singularité. Parce qu'entre nous, qui n'a jamais voulu, ne serait-ce qu'une fois, être compris ? Hein ? Non mais je demande.
Que mon corps m'éjecte, Séverine, invivable jusqu'en moi. Est-ce que ça suffira ? Est-ce qu'au dessus de ma dépouille on parlera somatisation et haine de soi ? Est-ce que les gens sont toujours aussi chiants dans la décomposition ? Ah j'aimais bien ce passage, mais j'écoutais Birdy Nam Nam, et j'ai un peu tendance à m'enflammer quand j'écris en dansant. Ça fait un peu ado qui se la pète, pas vrai ? Mais Karl est, en gros, un ado qui se la pète. Ça m'intéresse peu, pardon Séverine, de toute ma vie je n'ai pu éprouver la curiosité de l'autre, mais il faut bien que je parle à quelqu'un. Tu leur dis ce que tu veux, voilà. Ou alors.. Ce qui les arrange, tu peux deviner ça, non ? Là par contre c'est complètement raté, jusqu'aux points de suspension qui n'assument pas leur trialité. Trop caricatural, le mec qui ne s'intéresse pas aux autres, et pas vraiment ce que je cherchais. Karl ne s'intéresse pas aux autres, mais ce n'est qu'un effet collatéral, ce n'est pas pensé, et surtout pas conscient.
Séverine acquiesce. Magnifique passage !
Bien, ce qui les arrangera. Tu leur dis "il est décédé", et tu attends. Ouais, là je commençais à fatiguer, on est dans le ventre mou du texte, ça transpire le Sedan-Sochaux du dimanche soir.
Karl reprend son souffle. Putain, parfois j'ai honte. Sérieux : "Karl reprend son soufflePOINT". Non mais, sérieux.
Séverine, c'est vraiment un prénom de merde. J'avais une fille dans ma classe, en CE1, elle s'appelait Séverine, un peu grosse, elle avait une emprise totale sur la classe, même les mecs, elle jouait au foot avec eux. Je l'ai croisée huit ans plus tard, elle couchait avec des filles et moi j'étais toujours une fiotte surprotégée. Elle était contente - c'est le mot qu'elle a employé - de me revoir. Je ne lui avais jamais parlé. Il lui suffisait de m'ignorer pour s'épargner ce silence gênant. C'est ce que je n'ai jamais compris, il suffisait de m'ignorer. Ah ! ça pue l'autobio, hmm ? c'en est presque. A relire, on ne comprend pas trop si c'est pensé ou oral, ça m'arrange. Karl est de toute façon transparent, de sorte que Séverine peut très bien le deviner.
Le buste de Karl reflue sous l'impulsion d'un vigile. Tiavu ? On revient à l'idée du corps qui se barre tout seul. Je suis un gros malin.
Séverine l'observe se débattre en souriant. Tentative un peu vaine de faire exister le personnage de Séverine, par la figure vue et revue, ad nauseam, du spectateur amusé et détaché. Oué, Herbert, le jardinier en fin de cycle, tactac gros, touche ma bite.
- Tu as quelque chose contre les lesbiennes, Karl ? Je précise : Séverine n'est pas complètement conne. Elle ne s'intéresse pas à Karl - ou alors il la fatigue. Il est probable qu'elle n'ait rien écouté de ses tirades. Non mais je tenais à le préciser, j'ai fini à m'attacher à ce personnage de support.
- Je n'en pense absolument rien. Dis-leur que ce sont mes dernières paroles. Hey girl : it's life life life.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Performance très abrunie de Karl, qui maintenant décédé, mérite amplement l'Edouard de Montargis. Séverine en est totalement transparente malgré les Chocapic accumulés dans l'intestin grêle. Mais le coup du poteau vient de cet inconnu issu d'un trou noir, qui met en scène deux personnages inintéressants sur un fond noir, couleur de trottoir comme dirait Eddy le gordo, à ne pas confondre avec Endy le gonzo.
Merci j'ai ri. Birdy.